Tip:
Highlight text to annotate it
X
- Marie-Lise Jalbert voit le
jour le 18 août 1958, àà Rivièr-
aux-Renards, un petit village de
pêcheurs de la Gaspésie.
- Gaspésie, pour moi, c'est
tout, tout, tout. C'est tout.
C'est ma chair et mon sang,
c'est ma famille, c'est mes
sources, c'est mes idées, c'est
mon audace, c'est mon front,
c'est ma timidité. C'est ce qui
a fait en sorte que j'ai voulu
me dépasser, parce que partout
où tu regardes avec tes yeux,
en Gaspésie, il y a toujours
quelque chose qui va plus loin.
D'être devant la mer, quand t'as
2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 ans, juste
ça, c'est une leçon de vie.
D'ailleurs, j'ai une chanson que
j'ai écrite pour mon père,
où je lui dis ça.
J'ai encore l'âme trempée des
larmes de mon père, des larmes
aussi salées que l'eau de la
mer, ce sel qui m'a forgé droite
et autoritaire, comme le rocher
face à la mer.
- ♪ Comme le rocher
face à la mer ♪
- Mon père a fait 36 métiers,
48 misères. Il a tout essayé
pour nous rendre heureux.
- Judy Dumaresq,
tante de Laurence:
Robert a prouvé comment il
pouvait aimer ses enfants. On
aurait décidé de sortir une
soirée et si Lison pleurait, "je
veux pas que tu sortes, je veux
pas avoir la gardienne", la
gardienne était déjà arrivée,
lui il disait: "Non, non,
on va rester avec eux autres".
- Danie Jalbert,
soeur de Laurence:
Notre mère nous contait,
àà un moment donné, quand
on commençait à marcher,
ou Laurence commençait à
marcher, il n'aurait pas voulu
que rien, rien la fasse tomber.
- Ma mère était... c'est elle
qui portait les culottes. Oui.
- C'est la femme à tout faire.
C'est du jardin, c'est du...
de n'importe quoi, pour arriver
à ce que ses enfants
aient tout dans la vie.
Elle travaillait énormément.
- Elle était commis vendeuse
dans un magasin de linge.
- À cette époque-là, c'était pas
évident, c'était rare, les mères
qui travaillaient. En Gaspésie,
en tout cas. Elle a commencé
à travailler, j'avais 6 ans,
et, je veux dire, ma mère
travaillait 6 jours sur 7.
- C'est sûr que quand on
arrivait de l'école, en ouvrant
la porte: "Maman! Qu'est-ce
qu'on mange pour dîner? Pour
souper? C'est sûr que la mère
n'était pas là. Mais faut croire
qu'on a embarqué dans le bateau,
on s'est pas posé plus
de questions que ça.
Quand on était jeune, jeune,
on allait dans la maison
paternelle du côté de ma mère,
et il y avait un piano.
Déjà, petite, petite, à peine
si elle pouvait s'asseoir sur
le banc, elle jouait sur piano.
- Là, j'allais avec un doigt, et
j'avais 5 ans, et j'élaborais
mes propres compositions et les
notes noires me fascinaient.
Je comprenais pas pourquoi ça
faisait ce son-là, les notes
noires. Mais c'est ça, j'avais
mes petites tounes à 5 ans
avec un doigt, que je faisais.
Ça part de là, je te dirais.
- À la fois timide et têtue, la
petite Marie-Lise, aussi appelée
Lison, s'ennuie à l'école.
- Elle était bonne, à l'école,
elle arrivait bien,
une élève moyenne, mais
elle détestait l'école.
- Et les devoirs? Bien, cours-
moi après si t'es capable de me
les faire faire, les devoirs.
- Elle avait son caractère,
elle a un caractère spécial.
- Aux devoirs et leçons,
elle préfère le jeu avec
ses frères et soeurs,
et les spectacles de musique
western du théâtre d'à côôté.
- J'attendais que le show
commence, je descendais en bas,
j'étais en pyjama, je montais
sur les escaliers de secours, la
porte était entrouverte parce
qu'il faisait chaud, c'était
l'été. Je me mettais la face là
et j'écoutais le show western.
Ah, j'aimais tellement ça, là.
J'étais ensorcelée
par cet univers-là.
- C'est à 15 ans que Lison fait
ses premiers pas sur scène.
Elle joue de l'orgue à tous
les samedis soirs àà l'hôtel de
Rivière-aux-Renards, l'auberge
Caribou. La petite fille à
robert, avec sa chevelure rousse
et son intensité, se fait
déjà remarquer en Gaspésie.
- Je m'en vais à Gaspé, dans un
autre bar où il y a des groupes,
et il y a un des musiciens du
groupe qui m'arrêête, comme ça,
et qui me dit: "C'est toi qui
joues du clavier?" Mais je
jouais pas de clavier, moi, je
jouais du piano et de l'orgue,
hein. Les claviers, làà, des
synthétiseurs, là, j'y connais
absolument rien, mais front de
boeuf, je lui réponds oui.
J'avais peut-être un petit verre
de trop, et ça m'a aidée, ce
soir-là, ça aide pas tout le
temps, mais je lui ai répondu
oui, que je savais jouer des
claviers. Il dit:
"Ah, c'est merveilleux,
"demain matin, on s'en va
"à Montréal, on aimerait ça
avoir une fille dans le groupe".
Le lendemain matin, je suis
partie avec eux autres. J'avais
pas 18 ans, moi là, j'avais 17
ans. J'ai annoncé à mes parents
en arrivant le soir: "Maman,
Papa, demain matin, je m'en
vais". Ils m'ont laissée partir.
- C'est sans le sou et
accompagnée de jeunes inconnus
que Laurence part
pour la grande ville.
- T'sais, dans le camion, en
s'en venant, je me rappelle,
pour Montréal, quand on est
partis de Gaspé, il me dit:
"Qu'est-ce que tu joues comme
synthétiseur?" Je dis: "J'en
joue pas." Il dit: "Si t'as le
"front de m'avoir conté une
"menterie pareille, tu vas avoir
le front de l'apprendre." Mais
j'ai eu 4-5 jours pour apprendre
le répertoire du groupe,
22-23 tounes, puis c'est ça,
d'apprendre comment ça marche
un synthétiseur.
- Lison et son nouveau groupe
partent en tournée. Aprèès
quelques mois, elle vainc sa
timidité et chante pour la
première fois devant un public.
- À partir du moment
où j'ai été m'installer
en avant, j'ai plus pantoute
eu envie de revenir au clavier.
- Guy Rajotte, bassiste:
Laurence veut être sur un stage
et chanter. C'est ça qui est
important. On mange, on se
débrouille, on est une gang
ensemble, et tout le monde
pitch in de l'argent.
L'important, c'est de jouer.
- Moi, dans cette vie-là, à ne
pas avoir de chauffage, l'hiver,
dans les chambres, à faire une
broncho-pneumonie à Havre St-
Pierre parce qu'il mouille dans
ma chambre et qu'on est au mois
de novembre et qu'il n'y a pas
de chauffage, pour moi, c'est
tout normal pour vivre ce que je
vis quand j'embarques sur une
scène. Personne ne nous écoute?
Pas grave! Moi, je trippe.
- ♪ Inégale ♪
♪ Tu me fais faire des bêtises
dans les rues de Montréal ♪
- J'ai commencé àà posséder mon
corps à travers le geste de
chanter. J'ai commencé àà
comprendre que la voix, il faut
la laisser descendre jusque dans
ton âme, dans ton corps. Et
quand ta voix descend
complètement, tu sais que tu es
différent des autres chanteurs,
chanteuses. J'ai toujours été
contre les cours de chant, la
petite main en l'air, le petit
doigt en l'air. *** you, c'est
pas de même que ça se passe.
- Après cinq années de vie
de bar, Laurence enregistre
un premier 45 tours
avec le groupe The Kids.
À cette époque, elle gagne à
peine assez d'argent pour
subvenir àà ses besoins,
et pratique son métier
dans des conditions difficiles.
- On jouait dans des endroits
où quand on débarquait,
c'étaient les danseuses qui
mettaient leurs petits podiums
et qui faisaient leur show.
- Des fois, tu te ramassais dans
des conditions vraiment pas
agréables. Alors, du logement
qui n'est pas adéquat, tu
couches dans un sous-sol sans
fenêtres pendant un mois de
temps, ou tu te couches dans un
hôtel où, j'ai vu ça souvent,
dans une aile d'hôtel, d'un
bord, t'as les musiciens,
d'un bord, t'as les danseuses...
C'est un monde un peu weird.
- Le monde est là pour prendre
un verre, prendre un coup. On va
pas se raconter d'histoires làà-
dessus. Et t'sais, je me suis
battue avec mes poings souvent,
parce que quand il y a des
danseuses entre tes sets, pour
qui tu penses que les hommes te
prennent? Ils s'imaginent que
t'es une danseuse toi aussi,
et ça te "pognasse", et ça...
Hé, je me suis battue, je te
jure, "vargé" avec mes poings
dans le tas assez souvent.
- Ça faisait peur. Ça faisait
peur de dire: "Bon,
qu'est-ce qui peut arriver?"
- Je te dirais pas que j'ai
toujours été sobre et que j'ai
jamais fait de dope de ma vie,
non, pas du tout. J'ai touché à
tout, j'ai voulu tout essayer,
en bonne excessive que je suis,
et en bonne rebelle,
quand on me dit: "Fais pas ça",
j'y vais pareil. Mais j'ai
jamais, jamais rien laissé
prendre le contrôle
sur ma tête. Jamais, jamais.
- À 28 ans, Lison a déjà passé
10 ans dans les bars, et elle
devient la chanteuse de la
formation Volt. Un changement
majeur survient à ce moment dans
sa vie: elle devient maman.
- Quand Jessie est arrivé, ç'a
été une réorganisation complète
dans ma vie. J'ai comme compris
plein de choses. Des affaires
que j'aurais dû me rendre comte
avant, et t'sais, tu regardes
ça, c'est un tout petit bébé de
rien, et ça t'ouvre les yeux,
c'est incroyable, sur tellement
d'affaires que, t'sais, avant,
tu t'arrêtais pas à ça.
Maintenant, le moindre détail
est important à cause d'elle.
- Avec ses propres compositions,
Volt connaît beaucoup de succès
dans les bars de Montréal.
En 1987, le groups s'inscrit au
populaire concours L'Empire des
futures stars dont l'enjeu est
un contrat d'enregistrement.
- Et puis on a gagné, qu'est-ce
tu veux que je te dise, on a
gagné à mon grand étonnement.
C'était la première fois
que je me retrouvais devant
une caméra de télé pour faire
un petit discours à la fin.
- Enfin, on l'a,
et on est là pour rester!
- Je me rappelle pas de ce que
j'ai dit. Tout ce que je me
rappelle, c'est que j'avais le
poing en l'air et je parlais.
Je me disais: "Faut pas que
je dise trop de conneries".
- On travaille dans différentes
places, mais on joue, on a du
fun, et on fait du matériel
qu'on a la preuve que le monde
aime: le rock'n'roll.
- Rock'n'roll's still alive.
- Luc Plamondon,
ex-gérant de Volt:
Je pense que pour la première
fois, elle voyait une
possibilité de devenir une
artiste interprète déterminante,
mais c'est pas quelqu'un de
prétentieux du tout, donc. Elle
voyait une petite lumière au
bout de son tunnel, puis ça, je
pense que ça lui a fait vraiment
chaud au coeur,
ça l'a touchée profondément.
- La performance de Volt permet
à Laurence de se faire valoir
auprès des compagnies de
disques. Audiogram n'est pas
indifférent à son charme.
- Michel Bélanger,
producteur de disques:
Mon choix était déjà fait, en
voyant les shows. C'était déjà
Volt, à l'époque... Même si
c'était un band un peu troublant
et que c'était pas clair de
prendre Volt... En fait,
je peux le dire aujourd'hui,
sincèrement, j'ai pris Laurence.
Plus que Volt.
- ♪ Plus tu te poses de question
s ♪
♪ Moins tu sais où ça te mène ♪
♪ Nobody knows ♪♪
- La gloire de Volt sera de
courte durée. L'enregistrement
en studio tourne au vinaigre,
et le groupe se sépare.
Audiogram veut poursuivre
l'aventure avec Lison, mais en
solo. Avec la complicité de son
vieil ami Guy Rajotte, elle
présente du nouveau matériel.
- Le gérant que j'avais, dans le
temps, avait pris une cassette,
dans ce temps-là, c'était des
cassettes, de riffs qu'on avait,
Guy et moi, et de riffs aussi
du groupe Volt. Il amène la
mauvaise cassette, en fait,
àà Michel Bélanger.
Et, c'est une guitare sur une
cassette copie-copie de recopie,
avec un bruit de fond: fchhhh!
La guitare jouée par Guy,
qui est pas vraiment guitariste,
qui est un bassiste à la basse,
qui joue zing-a-zwing
a sling-a-ling...
- Et Laurence chantait les la la
la et on tournait alentour, mais
l'essence de la toune était là.
- Ça marchait, c'était magique.
- ♪♪ Tomber tomber
Tomber tomber ... ♪
- Michel Bélanger, avec son
oreille, lui, il écoute et il
entend qu'il y a quelque chose
là-dedans. Ça fait qu'il dit:
"Écoute, il faut continuer la
chanson, parce qu'il y a quelque
chose à faire avec ça.
- Là, c'était sûr que wow,
là, on tient quelque chose.
- Après 15 années de carrière
sur scène, Lison enregistre un
premier album. Elle a 30 ans.
Nouveau son, nouvelle équipe, et
nouveau nom. Lison s'appellera
désormais Laurence.
- ♪ Elle cherche encore ♪
♪ On paie de sa vie
à le chercher ♪
♪ on crève d'envie de
retomber tomber en amour ♪
- 1989: J'ai comme trouvé
exactement ma façon de chanter
que j'ai toujours voulu faire,
à partir de cette chanson-là.
- ♪ À tomber tomber
tomber tomber... ♪
- Quand la chanson montait,
quand l'album avançait
tranquillement et que je voyais
que tout le monde... écoute, là,
je commençais les entrevues,
et... Mais pourquoi je passe
autant d'entrevues? Il va se
passer quelque chose que je sais
pas? L'album sort,
puis... merde, ça vend.
♪ Et je cherche encore... ♪
- Après la pause,
Laurence Jalbert chante
devant 200 000 personnes.
- Dans tous mes rêves
les plus fous, crime de crime,
j'ai jamais désiré ça.
- ♪ On s'fend le coeur
pour vivre à deux ♪♪
♪ On s'rattrape
et puis on devient vieux ♪
♪ À tomber tomber en amour ♪
[ ♪♪♪ ]
ON LE FAIT TOUS.
MAINTENANT, ON N'A PLUS BESOIN DE LE FAIRE.
SECRET PRESENTE SA NOUVELLE PROTECTION ANTIODEURS
A ACTIVATION PROLONGEE.
AVEC LE NOUVEAU SECRET PLATINUM INVISIBLE EN BATON,
PLUS BESOIN DE VERIFIER.
- Après 15 années de tournées
dans les bars de la province,
Laurence Jalbert connaît enfin
un succès commercial avec la
sortie de son premier album.
Les Québécois craquent pour sa
voix en or et son authenticité.
- 1990: C'est comme, t'sais,
quand la porte s'ouvre, quand
t'as tenu la poignée de porte
pendant des années et qu'il y a
out le temps quelqu'un qui
tirait pour pas que tu l'ouvres,
et là, maintenant, ça s'ouvre,
j'ai juste eu à pousser un peu.
J'ai continué à travailler,
c'est sûr, ça veut pas dire
qu'il faut arrêter, mais
j'avoue que je me sens
trèès bien, comme mettons,
dedans ma peau. Ça va bien.
- Monique Giroux, animatrice:
Il y a dans sa voix ce qu'il y a
dans ses yeux, ce qu'il y a dans
ses cheveux, ce qu'il y a dans
ses mots. Il y a une cohérence
dans le personnage de Laurence
qui fait qu'on se trompe pas,
c'est-à-dire what you see
is what you get.
- ♪ Au nom de la raison ♪
♪ Tu poignes de quoi quand
t'entends une voix de même,
c'est assez particulier.
- ♪ Tu as laissé passer hier ♪
♪ Des amours des passions ♪
- Deno Amodeo, guitariste:
Il y a bien des chanteuses et
bien des chanteurs qui chantent
bien, mais qui ont des voix qui
se ressemblent beaucoup, t'sais.
Quand tu vois une fille comme
Laurence, qui se démarque de
tout ça, tu fais comme: "Oh,
boy!" Tu poignes de quoi.
Tu le sens en partant que
cette fille-là va se démarquer.
- ♪♪ ... qui peut prétendre
un jour y avoir goûté ♪
- En quelques mois, Laurence
devient une figure importante
sur la scène québécoise. À la
St-Jean 1990, elle est invitée
à participer au spectacle
qui se déroule dans des
circonstances particulières.
C'est la première fois depuis
les années 70 qu'une St-Jean
soulève autant les passions.
- Mesdames et messieurs,
bienvenue chez vous.
- Moi, avant ce show-là, la plus
grosse salle que j'ai vue, c'est
150 personnes au maximum le
samedi soir dans les bars, mais
la moitié en dessous des tables.
J'arrive à Montréal, quasiment
200 000, sinon plus. Avec
Vigneault, Piché, Rivard,
Dufresne. Écoute, moi, là,
j'ai la moitié d'une chanson
qui tourne à la radio,
c'est pas plus que ça...
- Notre première prestigieuse
invitée qui s'appelle...
- Laurence...
- ... Jalbert!
- ♪ J'ai blanchi toute une nuit
à noircir les feuilles ♪
♪ Noircir les feuilles
de mes pensées ♪
- T'as l'impression d'être gros
de même, là. C'est immense.
C'est une masse humaine que t'as
devant toi.
- ♪ Arracher des morceaux
de ma vie... ♪
- T'as une foule de je sais pas
combien, et sans compter ceux
qui regardaient àà la télé, donc
c'est des millions de gens,
finalement, qui sont là où qui
regardent, pour Dufresne, pour
Piché, pour les autres, et qui
tout à coup voient arriver une
fille, comme ça.
- ♪ Et je cherche encore ♪
♪ On paie de sa vie
à le chercher ♪
♪ On meurt d'envie de retomber
tomber en amour ♪
- Guy Rajotte, bassiste:
Moi et Deno, un des guitaristes
qui travaillait avec nous à
l'époque, on était debout sur
nos chaises et on regardait la
mer de monde qu'il y avait en
arrière. On en revenait pas.
- Elle est là, sur le stage,
avec des gros noms, des légendes
québécoises, fait que tu te dis:
"Ça y est, ça vient de partir".
- ♪ J'ai marché
pour blanchir une nuit ♪
♪ Fermé les yeux
pour blanchir toute une vie ♪
- Danie Jalbert,
soeur de Laurence:
Quand on l'a vue sur la scèène,
on voyait les gens qui étaient
avec, on disait: "C'est pas
possible. Ça se peut pas". De la
voir là, c'était presque irréel.
- De toute ma vie, j'ai jamais
vu quelque chose d'aussi beau.
C'est la première fois, j'ai
jamais vu une image aussi belle
devant mes yeux. Je vois un
peuple qui se tient!
- Dans tous mes rêves les plus
fous, crime de crime, j'ai
jamais désiré ça. Pour moi,
c'était inaccessible. Pour moi,
la petite fille de la Gaspésie
qui voyait les images de
Montréal dans Allô Police,
t'sais, et qui regardait à la TV
le samedi soir et qui regardait
ça et pour moi, il n'en était
pas question, c'était pas
pour moi, ça.
- ♪ Tomber tomber
Tomber tomber ♪
♪ Tomber tomber en amour ♪♪
- Écoute, c'est un choc.
Vraiment, vraiment un choc.
C'est d'une beauté à vivre
des moments comme ça...
- Enivrée par le succès,
Laurence part en tournée. Elle
travaille sans arrêt et compose
dès qu'elle a une seconde de
répit. C'est d'ailleurs
sur un plateau de tournage
qu'elle crée une chanson qui
fera couler beaucoup d'encre.
- Sur le tournage du clip de
Rage, on avait tous les guitares
et des basses, fait que pendant
la préparation d'éclairage, les
costumes, quelque chose, on
s'assoyait dans les coins et on
jouait. On a passé la journée à
jouer, et on essayait tous les
nouveaux riffs, on "jammait", on
s'amusait. À un moment donné,
Deno a commencé à jouer ça et
Laurence a dit: "Hé, continue
ça". Là, elle commençait à
placer la mélodie, et tout le
monde disait: "Wow, c'est bon!"
■
- Cette ébauche deviendra le
grand succès Encore et encore.
Sans la savoir, Laurence écrit
l'histoire d'une jeune fille
au destin tragique.
- On était en tournée, on s'en
va en Abitibi, on joue à Val
d'Or, et là, on lit les
journaux, on voit les nouvelles,
et les gens nous parlent de ça
là-bas. L'histoire complètement
bizarre d'une jeune femme
qui a été tuée, violée.
- Il y a un procès qui est en
cours. Un procès d'une petite
fille de 14 ans qui a été tuée,
violée. Écoute, situation
complètement dramatique.
1991: C'est un père avec ses
deux fils qui l'ont enlevée.
Bon, bien sûr, ils l'ont violée,
massacrée, c'est morbide, c'est
laid, c'est épouvantable
comme... Puis, bon, bien sû■,
elle est morte, et elle a
tellement hurlé qu'elle a une
corde vocale qui a fendu. Ça, je
veux dire, faut hurler, pour ça.
- Ça me rentre pas dans la tête.
Puis, le soir, arrive le moment
du show et je me sens
impuissante, mais impuissante
comme ça se peut pas. Je me dis
que je suis pas capable de rien
faire pour ça. Je suis là, le
monde paie un billet pour venir
me voir, et moi, je vais leur
raconter des guili-guili et que
les oiseaux font pit-pit et que
la vie va continuer d'être ce
qu'elle a toujours été? Je suis
pas capable de faire ça. Fait
que j'arrive au moment de faire
Encore et encore, que je faisais
depuis le début de la tournée,
et tout d'un coup, je me dis:
"Merde, c'est tout pour elle,
ça."
- ♪ Je l'ai vue dans leurs yeux
l'envie folle de te faire
du mal de te blesser ♪
- Je l'ai vu dans leurs yeux
l'envie folle de te faire du
mal, de te blesser, je les ai
vus t'arracher ce qui restait
de ton ââme et de tes poupées,
j'ai voulu les retenir...
C'est son histoire à elle.
- ♪ J'ai supplié regardé
droit dans les yeux ♪
♪ Mais jamais je ne laisserai
t'emporter encore et encore ♪
- Ç'a eu un impact immédiat. Les
gens étaient comme bouleversés.
- L'émotion, le monde se sont
levés debout, applaudir, et nous
autres on était vraiment,
quasiment les larmes, vraiment à
cause de l'émotion, et à cause
de ce qui venait de se passer.
C'est là qu'on pense que
Laurence s'est rendue compte à
quel point cette chanson-là
était pour avoir de l'impact.
■
- ♪♪ Oh j'ai voulu les retenir ♪
♪ J'ai supplié j'ai regardé
droit dans les yeux ♪
♪ Mais jamais
je ne laisserai t'emporter ♪♪
♪ Encore et encore ♪■
La chanson paraîtra sur le
prochain album et connaîtra un
succès retentissant.
- Qu'est-ce qu'on peut faire
pour que les femmes arrêtent de
mourir juste parce qu'elles sont
des femmes? J'en ai jusque là et
c'est pour ça que cette chanson-
là s'appelait Encore et encore.
C'est étrange de dire merci,
parce que cette chanson-là,
en quelque part,
ne devrait pas exister.
- Malgré la gloire, Laurence vit
des difficultés financières.
Son gérant, Alain Tassé, a des
problèmes de consommation,
et il a dilapidé tout l'argent
généré par la vente
de disques et de spectacles.
- Ça m'a coûté tout ce que j'ai
fait sur le premier album,
sur mes 225 shows.
- Quand tu travailles fort et
que tu travailles dans les bars
pour pas grand chose, et que tu
commences à fonctionner
professionnellement et à rentrer
de l'argent, savoir qu'il y a
de l'argent qui est dépensé
pour rien, savoir qu'on
fouille dans tes poches,
ça, elle le prend dur.
- J'étais dans un état assez
lamentable. J'étais hyper
fatiguée, fallait que je
recommence à zéro
financièrement, la pression
était énorme, énorme. J'étais
dans un état lamentable.
- ♪ Quand moi je l'appelle
il ne me répond pas ♪
Les déboires se poursuivent
pour Laurence. Cette fois-ci,
c'est l'arrangeur de l'album
qui a des problèmes de drogue.
- ♪ Où il m'emmène ♪
Après sept mois de travail,
Laurence se retrouve avec un
album dont elle n'est pas
satisfaite. Pour sauver les
meubles, l'équipe Jalbert
fait appel à Réjean Bouchard,
dont le défi est de réaliser une
nouvelle version de l'album.
- Réjean Bouchard a sauvé cet
album-là, parce qu'il a fait en
sorte que le roux revienne à la
mode sur l'album, parce que
c'était pas moi.
- Réjean Bouchard, réalisateur:
Il y a des bouts que c'était un
peu trop technique. C'était
comme peut-être pas assez chaud
et assez rond pour elle,
dans un sens. Parce qu'elle
aime ça quand ça groove.
- ♪ Quand t'es parti moi j'ai
pris le plus long corridor ♪
- Mission accomplie. L'album se
vend à plus de 140 000
exemplaires et Laurence
s'installe encore une fois au
sommet des palmarès. Ses
chansons envahissent les ondes
radio et ses vidéoclips
tournent sans cesse à la
télévision. Ses fans sont ravis
- Laurence, c'est très étrange,
c'est un peu the girl next door.
C'est une fille qui donne
l'impression d'être à l'écoute
des autres, en général, et de
son public en particulier.
- Je suis pas venue ici pour
vous faire un show, ça fait
assez longtemps que j'attends.
Je suis venue ici pour vous
en donner un, et je vais vous
en donner un à vous autres.
Je vous le donne, mon show.
♪ En courant ♪
- Laurence, c'est, je pense,
c'est une personne qui est
vraie, que tu sens qui est
proche du monde, t'sais...
- Pour Laurence, le public est
constitué d'autant d'entités. Il
y a des artistes qui considèrent
le public comme une masse de
gens. Une fois plein de gens.
Laurence prend les gens
un par un.
- ♪ En courant ♪
- Je reçois les confidences sous
toutes formes. Par courrier, et
les gens, des fois, pensent
qu'ils sont les seuls à
m'envoyer quelque chose.
- Les gens voient Laurence un
peu comme un miroir. Ah, t'as
vécu ça toi aussi? Ce que tu
chantes, c'est exactement ce que
j'ai vécu, j'ai l'impression que
c'est pour moi que tu l'as fait.
- Bon, il y a du monde qui sont
torturés et qui vivent plein de
choses, et ils ont l'impression
que Laurence leur parle
personnellement.
- La pire des expériences que
j'ai vécues à ce niveau-là,
c'est un jeune homme. Lui, il
était sûr qu'il était le seul
qui m'envoyait du courrier.
- C'était un gars qui était
journaliste pour la radio
étudiante de l'Université de
Montréal, je crois. Quelque
chose comme ça. Puis, il avait
fait une entrevue avec Laurence.
C'est correct. Après ça, il a
commencé àà lui écrire, lui
écrire, lui écrire. Au départ,
c'était bien cool, et c'est
devenu de plus en plus assez
laid, assez désagréable.
- C'est des lettres
épouvantables. Je veux, dire,
c'était... c'est un fou furieux.
Un fou furieux, maniaque sexuel,
nomme-les, tout ce que tu veux,
des lettres de 38, 40, 45 pages.
Il me suivait partout, il me
décrivait, toutes les émissions
que je faisais, il savait tout
ce que je disais, tout
ce que je portais, il était
partout où est-ce que j'étais.
Pareil comme dans les vues.
- Quand ça arrive au moment
où ces gens-là prennent beaucoup
de place et sont tout le temps
là, et qu'à un moment donné,
ça devient quasiment du
harcèlement, c'est là où tu
t'aperçois que woups, ces gens-
là ont peut-être un petit
problème. Ça peut devenir
dangereux parce que tu sais pas
ce qui peut se passer.
- Il harcelait mes parents, il
harcelait ma famille, et à un
moment donné, il voulait tuer ma
fille en mêême temps que moi. à,
ça a fait: Wô! Wô, mon homme.
Là, il a fallu embarquer les
policiers, tout ça, écoute,
ç'a été une histoire de fou.
- Alors là, c'a été de
rencontrer le bon monde. Parler
à la police, d'avoir une lettre
d'un juge disant que ce gars-là
ne peut plus s'approcher
en dedans de 100 pieds.
- C'était l'enfer, crime. On
peut pas vivre ça au Québec.
C'est impossible. J'ai un
lancement d'album, mon deuxièème
album, j'ai de la sécurité
partout, je donne des shows,
j'ai de la sécurité partout,
mais c'est pas une vie!
- Après la pause, Laurence vit
les pires heures de sa vie.
- Je hurlais,
hurler de douleur: aaahh!