-Merci de l'invitation,
d'être venus si nombreux.
Je m'appelle Daniel Kaplan.
En ligne, j'ai plein d'autres noms.
Je dois avoir 4 ou 5 pseudonymes,
utilisés dans différentes circonstances,
probablement 4 mots de passe, utilisés fréquemment, pas forcément
de manière organisée,
mais parce que, parfois, ils doivent être longs, courts,
comporter des caractères spéciaux.
Du coup, je ne sais pas où j'utilise tel ou tel mot de passe.
Donc, régulièrement, je réessaie sur la quarantaine de comptes
dont je dois disposer, si j'inclus les comptes administratifs,
les sites d'achat,
les réseaux sociaux, et peut-être un certain nombre de sites
sur lesquels je ne voudrais pas que vous me sachiez inscrit.
Comme tout le monde,
je rêve que tout ça soit très simple.
Et donc,
quand je veux m'identifier sur un site qui me connaît,
ou pas, d'ailleurs,
ça se fait d'un clic et de manière sûre,
et caetera.
Dans l'exercice de prospective sur les questions numériques,
l'an dernier, nous avons travaillé sur les promesses
que le numérique avait formulées à la société, à l'économie,
depuis une vingtaine d'années. Cette promesse d'une identité
à la fois très simple, sûre,
fidèle, protectrice, etc.,
est une promesse régulièrement faite,
"là, on va avancer",
et systématiquement déçue.
Mais il y a de bonnes raisons à ça,
y compris que peut-être qu'en plus des différentes choses avouables
que je vous ai décrites et qui sont proches de votre expérience,
d'autres ne le sont pas.
Peut-être que je joue au poker et que je n'ai pas envie
que les gens qui me respectent professionnellement le sachent,
que je passe trop de temps sur des sites de jeu en réseau,
que, sur Meetic, considéré comme un gros lourd
j'ai dû changer de pseudonyme
et veiller à me reconstruire une réputation...
Evidemment, dans toutes ces circonstances-là,
il est absolument
indispensable que mon identité ne soit pas unifiée, simple, etc.
Mais que, au contraire,
comme dans tout bon roman d'espionnage à 2 balles,
je puisse installer des éléments
de cloisonnement et exister socialement,
dans le monde numérique comme dans le reste du monde,
au travers de plusieurs facettes de mon identité.
Moi, je sais qui je suis. Et, si je ne suis pas schizophrène,
je sais reconstituer une unité à partir de ça,
mais je n'ai pas nécessairement envie
que des personnes, des organisations, des institutions
ou des pouvoirs politiques fassent le rapprochement.
Je veux à la fois que ce soit simple et unifié,
et que ce soit compliqué et désorganisé.
Au fond, le paysage de notre identité numérique,
décrit ici dans un vieux schéma sur la fragmentation,
reste, depuis des années, malgré la promesse,
extraordinairement compliqué.
Et mon message d'aujourd'hui,
c'est que, vraisemblablement, ça va le rester,
et que, en fait, ça peut être quelque chose de très intéressant
et ça peut être la source d'un certain nombre d'innovations,
d'actions, de directions possibles pour l'action innovante,
y compris d'entreprises comme la vôtre.
Moi, je ne ferai pas du conseil pour la Française des Jeux.
Je vais vous décrire un paysage.
A vous de l'investir intelligemment,
puisque vous en êtes capables, vous l'avez montré.
Donc, tout ça nous embête.
Dans les enquêtes, on dit souvent : "C'est trop compliqué.
"J'ai trop de mots de passe, je les oublie toujours..."
Les gens déclarent 16,4 comptes, en moyenne.
La réalité est probablement plus proche des 40, 50.
On a ouvert plein de comptes dont on ne se souvient plus.
Et le jour où je dois payer en PayPal...
"J'avais créé un compte, un jour.
"J'y avais même raccordé une carte, il y a 3 ans."
Vous n'avez pas vécu ça.
Moi, si.
Ce type de choses.
Donc, on est probablement bien au-delà de ce qu'on croit,
en termes d'inscriptions et d'identités numériques,
sur le réseau.
Ca nous embête, et, parfois, ça nous inquiète.
On laisse plein de choses.
Plein de gens savent des choses sur nous.
Ca s'appelle
le paradoxe de la vie privée, c'est un truc bien étudié.
Ca nous inquiète et ensuite,
qui d'entre nous prend des mesures sérieuses
pour effacer ces données, vérifier qui sait quoi,
faire jouer le droit de rectification prévu par la loi,
sécuriser ses communications, alors que plein d'outils existent ?
Pas grand monde, ici. Pas moi, en tout cas.
On est même encore plus paradoxaux que ça.
C'est même dans notre imaginaire.
Je ne sais pas
si vous voyez, au fond.
Ces 2 images m'ont frappé.
Ici,
la grande image est une publicité du métro de Londres,
pour montrer combien la vidéosurveillance
installée dans le métro de Londres, qui est extraordinairement dense
et très moderne, avec des logiciels de reconnaissance de visages,
de démarches, qui repèrent des gens qui ont des itinéraires bizarres...
Combien
c'est sûr.
Donc, vous êtes sûrs, derrière ces yeux attentifs.
Et cette image de 2012,
2011, je crois,
est l'image de l'édition originale
du roman "1984", de George Orwell, paru en 1948,
qui traite de la surveillance.
Et cet oeil-là, qui est le même que celui-ci,
n'était pas vraiment présenté comme quelque chose de joyeux.
Donc, vous voyez comment on peut retourner...
Ils ont repris la même esthétique, en disant : "C'est formidable,
"tous ces yeux qui vous regardent.
"Vous allez vous sentir presque autant en sécurité
"que dans le '1984' de George Orwell",
dans lequel, effectivement,
on avait peu d'actes de petite délinquance dans le métro.
Parce que tout acte déviant vous emmenait, de toute façon,
dans des prisons
ou des caves nettement pires.
Bon, OK.
Vous voyez qu'on est aujourd'hui là-dedans :
c'est compliqué, mais on ne fait rien.
C'est inquiétant, mais on ne fait rien non plus.
Ou bien on se débrouille.
On ne fait pas rien, on se débrouille.
Quand on dit des choses intimes, contrairement à ce qu'on pense,
sur les réseaux sociaux,
et même, qu'on baratine souvent, sur les réseaux sociaux,
qu'on va dire des bêtises, en remplissant des formulaires...
On gère. On va dire ça comme ça. On gère,
comme dirait mon ado.
Alors, on va repartir aux bases de ces questions d'identité,
pour essayer de comprendre ce paysage qui restera complexe,
mais ce n'est pas pour cela qu'on ne peut rien faire.
Et c'est ce qui nous intéresse, en tant qu'individus
et en tant qu'entreprise.
Fred Cavazza nous fait un petit schéma qui dit :
l'identité numérique,
il y a plein de choses autour.
Il y a un noyau,
qui est ce qui nous permet de dire à quelqu'un d'autre :
"Je suis Daniel Kaplan et je vous le prouve, à peu près.
"Je vous rassure sur le fait que c'est vraiment moi."
Ou bien, d'une manière un peu plus limitée :
"Je suis le détenteur d'une carte bancaire numéro tant.
"Je vous dis ou pas comment je m'appelle.
"J'ai les moyens de payer et je vous le prouve,
"d'une manière assez sûre pour que vous ayez envie
"de me vendre le truc, en pensant
"que vous serez payé."
Donc il y a une base,
qui est le fait de pouvoir dire à quelqu'un
qui on est,
lui transmettre une identité utile pour lui, son nom,
l'identité d'un moyen de paiement, d'un compte,
et de lui démontrer, par exemple, la base, on y reviendra,
en ajoutant un mot de passe,
qu'on est censé être seul à connaître, même si,
quand c'est le prénom du fils ou la date de naissance,
on n'est pas le seul à le connaître.
Mais aucun de vous n'a utilisé
sa date de naissance ou le prénom de ses enfants, donc ça va.
Mais il y a évidemment plein d'autres choses
qui sont aussi des éléments de l'identité numérique,
au sens où votre identité, c'est aussi votre récit personnel,
ce que vous projetez aux gens,
une manière d'être, une biographie,
des réalisations.
Tout cela est extraordinairement présent en ligne.
Et c'est très important,
car votre identité, ce n'est pas juste vos papiers d'identité.
Vous ne montrez pas vos papiers aux gens que vous rencontrez.
Vous leur présentez plein d'autres choses de vous.
Et peut-être que 5 ans plus tard,
vous aurez continué à exister,
travailler, faire des choses formidables avec des gens
qui ne connaissent pas votre nom de famille ou vous appellent
par un prénom d'usage qui n'est pas dans votre état civil.
Ca arrive à plein de gens et depuis toujours,
et ça n'est nullement un problème.
Votre identité, c'est des choses que vous projetez aux autres,
pas forcément les mêmes, dans tous les cas.
Un grand avocat, spécialiste du numérique,
Alain Bensoussan, l'avait illustré dans un article de "Libération",
qui disait : "Je veux pouvoir être avocat le jour,
"et drag queen la nuit. Et je ne veux pas que mes clients
"le sachent. Et encore moins, que mes amis drag queens
"sachent que je suis avocat."
Vous voyez, c'est plein de choses :
la réputation, les oeuvres, les productions, ces achats,
ces pseudonymes
ou avatars, dans des forums en ligne,
sur Meetic ou dans des espaces de jeu,
des choses sur ses passions qui intéressent certains,
qui sont avouables ou pas, ridicules ou pas.
Puis-je, aujourd'hui, dire que je fais de la philatélie ?
Pour certains, ce n'est pas un problème.
D'autres ne recruteront pas
quelqu'un qui fait de la philatélie.
Donc, vous l'indiquerez
ou pas. Tout cela est de l'identité.
Mais enfin, ça commence par cette question d'identité
qui permet à un interlocuteur, une organisation,
de vous singulariser parmi d'autres et d'être en confiance sur le fait
que vous êtes celui que vous prétendez être.
On fait une différence entre identification :
"Je suis D. Kaplan
ou le détenteur de la carte bancaire numéro tant",
et authentification :
"Je vous démontre, d'une manière qui vous semblera sûre,
"que je le suis."
La base de ça...
L'identification, c'est ce que vous mettez,
quand on vous demande un pseudonyme, une adresse e-mail.
Ca, c'est l'identité que vous allez soumettre à un interlocuteur.
Et l'authentification, c'est le mot de passe.
Il y a un truc que je suis censé être le seul à savoir,
c'est le mot de passe.
Evidemment, comme il peut m'arriver, mais pas à vous,
de mettre un mot de passe pas très sûr,
on a voulu développer des formes plus fortes d'authentification :
il faut savoir quelque chose, donc c'est un mot de passe,
mais on va ajouter au moins un facteur.
Par exemple, est-ce que je possède quelque chose ?
Donc, je vais ajouter à cette demande de mot de passe
la demande d'entrer une clé USB quelque part
ou de passer devant un lecteur de puces sans contact,
quelque chose qui possède une puce.
C'est bien non seulement celui qui connaît ce mot de passe,
mais aussi celui qui détient cette carte, donc on monte
en niveau de sécurité.
On peut aller plus loin,
en utilisant la biométrie, quelque chose en rapport avec le corps.
Enormément de choses vous identifient de manière certaine.
On connaît depuis très longtemps l'empreinte digitale,
qui présente l'avantage d'être simple.
Mais c'est vrai de l'iris, de la démarche, de la peau,
de la forme du visage, etc.
Par exemple, l'iPhone 5 contient
un lecteur d'empreintes digitales,
et des versions de Windows se proposent de vous reconnaître,
quand vous allumez l'ordinateur, en regardant votre visage.
Et c'est relativement sûr.
Une fois qu'on a dit ça, et c'est très important,
vous le vivez tous les jours,
quand on vous demande : identité, mot de passe,
on peut aussi avoir besoin de l'un sans l'autre
ou vouloir dissocier toutes ces choses.
Vous avez déjà probablement eu l'exemple de Facebook Connect.
Sur un site, on vous dit :
on peut créer un compte chez moi avec son identifiant Facebook.
Vous cliquez là.
On vous demande de vous identifier sur Facebook et c'est fait.
Etes-vous authentifié ?
Dans un sens, oui, car vous avez utilisé votre identifiant Facebook.
Ensuite, sur Facebook, sait-on vraiment qui vous êtes ? Non.
Donc, on fait circuler l'identité à l'intérieur du réseau.
Dans le système e-Carte Bleue, proposé par plusieurs banques,
qui vous permet de payer chez des commerçants.
Vous voulez acheter un truc chez un commerçant taïwanais bizarre,
à qui vous n'avez pas envie de laisser vos coordonnées bancaires,
vous pouvez utiliser ce système : la banque va générer
un numéro de Carte Bleue qui ne fonctionne qu'une fois.
Et surtout, elle ne va pas transmettre l'identité.
Dans ce système, il va y avoir un acteur
qui va se mettre entre vous et votre commerçant, et dire :
"Moi, Société Générale, vous me faites confiance ? OK.
"Je vous certifie que je connais la personne de l'autre côté,
"qu'elle a une carte bancaire.
"Vous n'avez pas à savoir son numéro, son nom, son adresse...
"Vous en aurez besoin, pour livrer quelque chose de physique,
"mais pas pour télécharger un logiciel.
"Mais je vous dis que vous serez payé."
Ici, il n'y a plus que de l'authentification.
"Je vous rassure, vous allez recevoir l'argent.
"Mais vous ignorez avec qui vous êtes en contact."
Dans certaines circonstances, ça peut être important.
Et puis vous avez d'autres cas.
Les cas de grands pseudonymes du monde du Web,
comme maître Eolas, que les juristes ici ont dû croiser.
C'est un blogueur, juriste. C'est un avocat.
Il a un nom,
mais il a une identité sur le réseau qui est maître Eolas.
Elle fonctionne, elle a une sacrée réputation,
elle a une audience, mais ce n'est pas son nom.
Et ce n'est pas grave.
On peut lui faire confiance sur ses avis juridiques, car ils sont bons,
sans savoir comment il s'appelle.
Si on cherche, on trouve.
Mais ce n'est pas important et on est peu à le faire.
Et donc,
cette idée d'une identité qui, enfin, deviendrait simple,
sûre, commune, on n'en aurait plus qu'une,
en fait, c'est une idée moins séduisante, au fond,
qu'il n'y paraît.
Ca n'empêche pas des gens d'y travailler.
Mais c'est très compliqué de le faire,
parce que nous-mêmes sommes contradictoires :
on veut la simplicité et on veut le cloisonnement et l'opacité.
On veut pouvoir aller de l'un à l'autre
et décloisonner des choses pour certains.
D'ailleurs, ce n'est pas évident pour beaucoup d'entreprises.
On peut avoir envie de se servir d'un système d'identification
pour enfermer son client dans son propre univers
et ne pas lui permettre de faire trop de choses avec la concurrence,
d'aller acheter n'importe quoi, n'importe où,
chez d'autres que nous.
Donc, ça sert aussi, des systèmes d'identification un peu fermés.
On essaie de faire de la fédération d'identités.
Le résultat, c'est qu'après des années et des années
d'efforts techniques, de standards,
d'expérimentations, souvent extraordinairement intelligents...
C'est comme au foot où il y a 11 personnes contre 11,
et à la fin, l'Allemagne gagne.
Ici, c'est Facebook qui gagne, avec Facebook Connect,
qui est peu sécurisé et ne protège pas les données personnelles.
On est contradictoires à ce point.
Il y a des choses qui émergent et qu'il faut regarder de près,
dès lors qu'on ne les suit pas, quand elles disent :
"Je vais résoudre le problème." Non, ce sont des choses en plus.
C'est l'utilisation du mobile comme dispositif d'identification,
qui présente l'intérêt d'être dans le monde numérique,
le monde en ligne, mais aussi dans le monde du commerce
et des contacts en face-à-face.
Ca peut permettre d'entrer quelque part, montrer qu'on a des droits,
de payer chez les commerçants, en ligne,
et, à nouveau, d'entrer dans le bus ou autre.
Donc, l'idée d'utiliser le mobile,
notamment, le mobile doté d'une nouvelle puce, dite RFID.
C'est une petite puce comme celle que vous avez déjà,
si vous avez un Navigo, qu'on passe devant un lecteur,
sans forcément le toucher,
dans lequel va s'établir un dialogue d'identification.
On identifie le passe Navigo, pas forcément la personne derrière.
Il y a un débat sur l'anonymat du Navigo. Ca existe en anonyme.
On l'identifie juste en le passant.
Si on ajoute une puce dans un téléphone,
si on en sécurise l'accès, c'est un peu l'idée
du nouvel iPhone,
avec sa reconnaissance d'empreintes digitales,
on peut avoir un mobile qui puisse servir
à simplifier un certain nombre d'identifications.
A ceci près que, vraisemblablement, très vite,
vous allez voir apparaître sur cet écran,
après lui avoir dit : "C'est moi l'utilisateur",
et que vous allez vouloir vous en servir
pour vous identifier auprès de quelqu'un d'autre,
très vite, je suis sûr que vous verrez ici :
"Quelle identité vous voulez transmettre à cet interlocuteur ?"
"Votre identité de drag queen ?" Ca ne sera pas dit comme ça.
"Votre identité d'avocat ?"
Car vous venez d'entrer au Palais de justice,
et il y a le scanner, le détecteur de métal...
"Est-ce que vous allez
"acheter une baguette de pain ?"
Vous voulez payer en cash et ce n'est pas le même identifiant
car vous ne voulez pas que votre banque
connaisse votre employeur...
Donc, très vite, tout ça va se "recomplexifier".
Je passe vite.
Même chose. Vous allez voir des annonces autour de ça.
Un certain nombre d'entreprises se sont réunies en France,
autour de l'idée de simplifier les systèmes d'identification.
C'est un vieux projet. Nathalie Kosciusko-Morizet l'a annoncé,
quand elle était secrétaire d'Etat à l'Economie numérique, je crois.
A l'époque, c'était un truc très solide.
C'était : on va créer un standard français,
dans lequel les gens auront une clé USB qu'ils pourront mettre...
dans quoi, déjà ? Le problème a commencé là.
Dans l'ordinateur.
Oui, mais dans le mobile, il n'y a pas le même lecteur de clé USB.
Ah, zut !
Très vite, ce projet qui visait à simplifier, sécuriser, etc.,
s'est heurté à la complexité du monde numérique
et du monde réel, à la diversité de ses acteurs.
Il a quasiment disparu. Il revient de manière plus pragmatique,
porté par plusieurs entreprises.
C'est gentil, pour Fleur Pellerin, qu'Aurélie Barbaux ait dit,
en gros, que NKM en a parlé et Fleur Pellerin a fait le boulot.
Mais ce sont des entreprises qui ont fait le boulot,
et qui sont en train de mettre en place
un système qui serait, en fait, un ensemble de systèmes
permettant de fédérer des identités,
permettant à des entreprises de se mettre d'accord, en disant :
"Si vous le connaissez, je lui demanderai moins de preuves."
Par exemple, permettre à une banque de dire 2, 3 choses,
si quelqu'un veut... J'ignore si ça marche chez vous,
mais si quelqu'un voulait placer un énorme pari chez vous, dire :
"Je le connais. Inutile de lui demander trop de choses."
Ce n'est peut-être pas un bon exemple.
Alors,
pourquoi c'est si compliqué ?
Parce qu'on est des vrais gens,
pas juste des gens qui doivent s'identifier.
Une identité, c'est le récit de soi,
la manière dont on se présente aux autres,
c'est ce qu'on veut projeter pour évoluer, se transformer,
pour accomplir des buts.
Dans la plupart des travaux juridiques, techniques
sur l'identité, on dit :
ce qui est important pour les gens, c'est le contrôle.
Je veux pouvoir prouver qui je suis,
je ne veux pas qu'on me pique mon numéro de carte
ou qu'on en sache trop sur moi. C'est une motivation.
Mais est-ce la motivation que vous avez le matin au réveil ?
"Comment éviter que plein de gens me fassent du mal ?
Evidemment, c'est important.
Mais souvent, la motivation, le matin,
c'est : "Que vais-je faire ?"
Et vous serez intolérant vis-à-vis de ce qui va vous en empêcher.
Ce n'est pas pareil.
On oublie souvent que 2 motivations aussi fortes coexistent,
y compris dans les pratiques numériques.
La commodité :
vais-je avoir des choses pour me simplifier la vie ?
Pourquoi Facebook Connect fonctionne si bien,
alors que c'est si peu sûr et que ça transmet
autant d'informations à Facebook sur vous ?
Parce que c'est simple. C'est si peu sûr que c'est simple.
Pourquoi un système de sécurisation des paiements
domine le marché mondial, depuis 20 ans ?
C'est celui qui a été créé, il y a 15 ou 20 ans,
qui utilise un vague chiffrement tout bête du numéro de carte.
Alors qu'on en a inventé, j'en ai étudié,
on en a inventé 50 autres, nettement plus sûrs.
Pas forcément beaucoup plus compliqués.
C'est parce que c'est le plus simple.
Même les commerçants sont prêts à dire :
"Je vais avoir un peu plus de toile mais si c'est plus simple,
"si je n'ai pas des clients qui abandonnent la commande..."
Les nouveaux systèmes proposés par les banques françaises
sont super sûrs.
Ca fait baisser la fraude, mais aussi le chiffre d'affaires.
On dit à des gens : "Il faut que vous alliez chercher la carte,
celle que vous avez perdue..."
Une carte avec des lignes et des colonnes.
J'en suis à la 4e que je redemande.
Je ne sais plus où elle est, donc on ne va pas passer commande.
Ou alors : "Vous allez recevoir un sms.
"Que vous avez 2 minutes pour retaper..."
Ca marche. C'est très sûr. Mais la baisse en chiffre d'affaires
est supérieure au gain
en sécurité.
Donc, commodité.
Et l'autre dimension : la valorisation de soi.
Une des choses centrales de l'identité,
c'est de se manifester auprès des autres,
progresser, changer.
L'identité est quelque chose de performatif :
je dis que je suis ça car je veux le devenir.
Et que fait-on sur Facebook ?
On affirme des choses qui peuvent être intimes,
pas seulement parce qu'on dit n'importe quoi,
mais parce qu'on a envie de manifester quelque chose.
C'est étudié de manière sociologique.
Les gens qui ont le plus besoin de progression sociale,
ceux qui sont en conquête, qui viennent d'un milieu modeste,
vont en dire plus que d'autres, pas parce qu'ils sont plus bêtes,
mais parce qu'ils doivent prendre plus de risques,
pour pouvoir progresser, établir des contacts,
faire du chemin dans la société. C'est la valorisation de soi.
C'est très important. Et ça va à l'encontre de ça.
On comprend donc mieux ce qui se passe sur les réseaux.
Et on comprend que les motivations des organisations ne sont pas
nécessairement celles des individus.
Des systèmes de sécurité sont toujours des systèmes
dans lesquels on va chercher à protéger certains acteurs
contre d'autres.
Et on ne protège jamais de la même manière tout le monde.
Par exemple, un système de paiement va faire un choix :
la banque sera la mieux protégée ou le vendeur ou le client.
Mais ce n'est pas les 3.
Ce n'est jamais vrai.
Les gens ont besoin de sécurité, mais aussi de vie privée.
Ils ont besoin de pouvoir rester libres.
Les entreprises ont besoin de sécurité technique et juridique,
de se protéger contre leurs clients,
qui changent d'avis ou autre.
Elles veulent en savoir le plus possible sur eux,
conserver le client qui, lui, veut circuler.
On n'a pas les mêmes objectifs en tant qu'entreprise
qu'en tant qu'individu.
Et les systèmes d'identification et de sécurité
reflètent ces conflits d'intérêts.
Selon qui va produire un système,
les caractéristiques seront différentes.
Alors pour terminer, un point sur un certain nombre de pistes,
de chemins intéressants à regarder,
et qui sont vraiment des chemins d'aujourd'hui,
qui ouvrent un peu ce champ.
Le premier, c'est la vie privée par conception.
Le terme technique, c'est "privacy by design".
L'idée est de dire :
on peut concevoir des systèmes techniques et informatiques,
qui sont sûrs,
qui permettent aux entreprises d'atteindre leurs objectifs,
tout en étant, par construction,
très protecteurs de la vie privée des individus.
La base... Ca peut vous intéresser :
vous posez la question de savoir si un joueur est majeur.
C'est important de pouvoir le savoir,
mais pour ça, avez-vous besoin de savoir son nom et son adresse ?
Pas nécessairement. Des chercheurs travaillent là-dessus.
Un chercheur, à Toulouse, a inventé la "carte d'identité blanche".
Dans cette carte, on a toutes ces informations-là,
mais on peut lui demander de dire juste une chose de manière juste :
"Je", Etat français, "certifie que la personne
"qui est devant vous ou en ligne
"est bien le détenteur de cette carte,
"et qu'elle a plus de 18 ans."
Ca, c'est sûr. Et nul besoin d'en savoir plus.
Il prend l'exemple du permis de conduire :
"Je certifie", à un loueur de voitures,
"que la personne..." Enfin, peut-être pas un loueur.
"Que cette personne-là
"possède le permis de conduire.
"Mais je ne vous dis pas où elle habite."
Donc, on peut installer des systèmes
qui savent dévoiler juste ce qui est nécessaire,
mais de manière qui garantisse à l'interlocuteur de pouvoir dire :
"D'accord, je peux agir."
Moi, Française des Jeux qui n'ai pas le droit de vendre à un mineur,
sur cette base-là, je peux agir. Et si je me suis trompée,
je peux me retourner contre celui qui m'a certifié cela.
Ca va beaucoup plus loin.
C'est un travail sur les systèmes d'information.
Comment faire en sorte que les systèmes d'information
ne demandent et ne conservent que ce dont ils ont besoin.
Deuxième dimension très intéressante,
il y a un univers de jeux infini à faire dans ce monde-là,
la quantification de soi.
Je suis fier car je l'ai reçu avant-hier, c'est un cadeau.
J'ai sur moi ce truc-là,
la dernière production d'une boîte française, Withings,
qui compte plein de trucs sur moi.
Donc, j'apprends que j'ai fait 2 125 pas depuis ce matin,
27 mètres de dénivelé,
ça, c'est moyen.
J'ai circulé 2 km, brûlé 138 calories.
Je pourrais avoir mes battements cardiaques.
On aime, on n'aime pas.
C'est un marché très dynamique.
Chez Décathlon, Go Sport, Nike, vous en avez partout.
Ca accompagne le sport, la santé, l'entretien, le bien-être.
En plus, ça en fait des choses ludiques.
Et je peux le partager.
On peut se lancer des défis et dire :
"Et toi, tu es passé à combien de kilomètres aujourd'hui,
"de course ou de marche ?"
On peut le connecter.
Ce qui, au départ, paraissait être un truc un peu bizarre, "new age",
des gens qui prennent des mesures sur eux,
c'est devenu un marché très dynamique,
avec des centaines de milliers de personnes dans le monde
qui s'équipent de ça pour courir et pour pas mal d'autres choses,
et en font des éléments sociaux.
Ils échangent avec des amis ou des gens qu'ils ne connaissent pas.
Donc, il y a un vrai potentiel.
On est toujours dans cette identité.
Non seulement on capte des données pour soi,
ça n'existait pas avant, sauf si on était malade.
Donc, on fait d'équipements de santé
des équipements de grande conso, on en fait des dispositifs sociaux,
qui produisent des données.
On en fait même des marques de son identité :
"Je suis, entre autres choses, quelqu'un qui court 5 km par jour,
"dont les battements cardiaques..."
Vous voyez que ça peut aller vite.
Dernier point :
je vous fais part d'un projet sur lequel, nous, on travaille.
Il sera en phase d'expérimentation dans 2 ou 3 semaines.
Vous allez en entendre parler, j'espère.
Ca s'appelle MesInfos.
On s'est posé une question différente.
On a parlé d'identification, de prouver qui on est,
mais on a aussi parlé des données dont les entreprises disposaient,
ou même l'Etat français dispose sur nous.
Et notre hypothèse dit :
parfois, ce n'est pas idiot
qu'une entreprise dispose d'informations sur nous.
Quand je vais dans une autre agence de ma banque,
à l'autre bout de la France, j'aime qu'on sache qui je suis,
ce qu'on a déjà fait ensemble.
Une entreprise a de bonnes raisons d'avoir des données sur les gens.
Nous, on dit : "Et si, moi, je les avais aussi,
"les informations que vous avez sur moi ?"
Sur quoi et à quoi j'ai joué, ce que j'ai acheté au supermarché,
mes trajets dans le métro,
ou en voiture, etc.
Dans le projet MesInfos, on a rassemblé 8 boîtes,
des distributeurs, des opérateurs télécoms,
des gens de l'e-commerce, de la banque, qui ont dit :
"On va restituer nos données sur les clients et leur permettre
de jouer avec." Je ne vais pas donner de détails.
C'est en train de se faire.
On imagine aujourd'hui
plein d'applications,
plein d'usages.
Si j'ai mes données, je peux m'en servir pour gérer mon quotidien.
Mes échéances, mes garanties dans mes contrats,
mes contrats, ma retraite, ma vie administrative, etc.
Ca peut simplifier.
Je peux mieux contrôler ce que les gens savent sur moi,
vérifier que l'information que j'ai donnée n'a pas été diffusée.
Et il y a des choses autour de la connaissance de soi.
Puis-je faire un meilleur bilan du lien entre mes manières
de me déplacer, me nourrir, et ma santé ?
Décider d'où on va déménager, en fonction des styles de vie
des membres de la famille.
On peut travailler sur le fait de vivre avec ses valeurs.
Certains d'entre vous avez essayé
d'être des consommateurs éthiques, bio, etc.
C'est très difficile de le faire au quotidien.
Il faut lire plein de choses...
Si vous aviez les tickets de caisse de tous vos supermarchés
et qu'on vous proposait de comparer tous vos produits
et voir si c'est plus cher, et on fait ça en 1 minute,
ça change tout.
Puis-je mieux comparer les prix
dans des marchés où les prix sont complexes à comparer ?
Oui, si on a des dispositifs. C'est le côté décision-action.
Voilà d'autres champs
sur lesquels on travaille.
On s'est dit : l'identification restera
un chemin compliqué, dans lequel des choses progressent,
mais autour de l'identité "qui on est pour soi",
"qu'a-t-on envie de projeter en direction des autres ?"
il y a des choses extraordinaires à faire
et auxquelles des entreprises comme la vôtre peuvent prendre part.
Voilà ce que je voulais partager avec vous très rapidement,
mais peut-être pas assez rapidement,
ce matin.
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