Rapports et témoignages sur le néo-colonialisme,
la violence et la libération
NÉOCOLONlALlSME ET VlOLENCE
Ont collaboré à la réalisation de ce film paysans, ouvriers,
étudiants, intellectuels et militants révolutionnaires.
A eux tous, nous exprimons
notre fraternelle reconnaissance.
Données empruntées à la Seconde Déclaration
de la Havane, à l'ONU, à la Confédération Générale du Travail
et aux publications de l'époque.
Nous avons utilisé des extraits de films suivants:
<<Tire Die>> de Fernando Birri, <<La mayoria absoluta>> de Leon Hirxmann
und <<El cielo y la tierra>> von Joris lvens,
Des extraits de <<Faena>> von Humberto Rios Théâtre Frankestein
Nous remercions l'AGER FlLM de Rome pour sa collaboration
Ce film traite du néocolonialisme
et de la violence quotidienne en Argentine
et dans la plupart des pays du continent non encore libérés.
C'est pourquoi il ne sera pas question ici de Cuba, premier territoire libre d'Amérique.
A <<Che>> Guevara et à tous ceux qui sont tombés
au cours du combat pour la libération de l'Amérique latine.
LA GRANDE PATRlE
LA GRANDE NATlON lNACCOMPLlE
MON NOM: HUMlLlÉ
MA RAlSON SOClALE:REBELLlON
GÉOGRAPHlE DE LA FAlM
DAMNÉS
FAUSSE, L'HlSTOlRE QU'ON NOUS ENSElGNA
FAUSSE, L'HlSTOlRE QU'ON NOUS GARANTlT
FAUSSES, LES PROSPECTlVES MORALES
FAUX, LES CREDO ÉCONOMlQUES
lRRÉELLE, LA LlBERTÉ QU'ON PROCLAME
NOTRE PREMlER GESTE
NOTRE PREMlER MOT
POUR N'ÊTRE PAS UNE COLONlE UN SEUL CHOlX
DONNER LE POUVOlR AU PEUPLE
lNVENTER
ORGANlSER NOTRE RÉVOLUTlON
LE DEVOlR DU RÉVOLUTlONNAlRE
EST DE FAlRE LA RÉVOLUTlON
lL N'YA PAS D'EXEMPLE D'UN ORDRE SOClAL QUl SE SOlT SUlClDÉ
UNE GUERRE LONGUE
UNE GUERRE CRUELLE
L'lMPUNlTÉ
LE PRlX QUE NOUS PAYERONS POUR NOUS HUMANlSER
UN PEUPLE SANS HAlNE NE PEUT TRlOMPHER
L'HOMME COLONlSÉ
SE LlBÈRÉ PAR LA VlOLENCE
LES ClVlLlSÉS EDUQUERONT LES ClVlLlSATEURS
LE POUVOlR
DÉLlVRER L'HOMME
CHACUNE DE NOS ACTlONS
EST UN CRl DE GUERRE CONTRE L'lMPÉRlALlSME
POUR L'UNlTÉ CONTRE L'ENNEMl: LES USA
<<POUR AVOlR TROP AlMÉÉ>>
L'Amérique Latine est un continent en guerre:
Pour tes classes dominantes, guerre d'oppression
pour les peuples opprimés, guerre de libération.
L'HlSTOlRE
L'indépendance des pays d'Amérique Latine
fut trahie dès l'origine.
La trahison fut perpétrée par les élites exportatrices des villes portuaires.
L'année où Bolivar consolidait l'indépendance à Ayacucho,
Riva Davia souscrivait à Buenos Aires
le prêt-escroquerie avec la Banque Baring Brothers.
Les commerçants anglais prirent possession
de la Banque Nationale qui émettait la monnaie
et, au nom de la liberté du commerce,
leurs manufactures envahissaient le marché intérieur.
Dès ce moment, l'Angleterre se substitue à l'Espagne
dans la domination de presque tout le continent.
Ce que n'avaient pu conquérir ses armées,
ses prêts l'obtiennent.
Le pays exportait de la laine et importait des tissus.
Exportait de la viande et du cuir
et importait des pianos à queue.
La bourgeoisie agrarienne exportatrice
se réduisait ainsi au rôle
d'appendice agraire de l'industrie européenne.
Pour la première fois dans l'histoire,
ici, en Amérique Latine,
s'instaurait une nouvelle forme de domination:
l'exploitation de l'économie colonialee
par le truchement des bourgeoisies locales.
Ainsi naissait le néocolonialisme.
Pour imposer le néocolonialisme,
il importait de morceler le continent.
L'unité de l'Amérique fut détruite.
La diplomatie de Canning promut cette balkanisation du Sud du Continent,
que l'empire Yankee développera ensuite dans le centre et au nord.
Les ambitions coloniales des deux grands empires
feront couler le sang latino-américainn
du Mexique au Rio de la Plata.
On dressera peuple contre peuple,
province contre province.
En moins d'un siècle, on verra naître 20 pays
issus de quatre vice-royaumes.
La doctrine de Monroe et la Big-Stich
légaliseront l'agression ouverte contre le continent.
En moins d'un siècle, les États-Unis
effectueront en Amérique Latine 41 interventions armées.
Aujourd'hui l'impunité de telles agressions
est garantie par 'lO.E.A (Organisation des États Americains)
Balkanisation d'abord, panaméricanisme aujourd'hui,
servent à appliquer une politique unique: le néocolonialisme.
LE PAYS
Argentine: Plus de 4 millions de km2 de superficie totale,
dont 2,8 de superficie continentale.
Un long triangle qui pourrait contenir l'Espagne, ltalie, l'Angleterre, la France,
l'Allemagne, la Belgique, la Pologne, la Hollande, la Tchécoslovaquiee
l'Autriche, le Danemark, la Bulgarie, la Hongriee
De l'Antarctique à la Forêt tropicale, tous les climats,
d'immenses réserves naturelles non exploitées.
Une superficie boisée d'environ un million de km2.
4.000 km de côtes.
Une superficie marine qui dépasse 96 million d'hectares
La Pampa, la prairie la plus fameuse du monde.
Pays qui produit 8 millions de calories par h,
qui en consomme 10 et qui en exige bien davantage,
mais qui exploite 3% de sa puissance hydraulique
et 10% de ses terres cultivables.
lmmense pays à peu près désert. 23 millions d'habitants
Dont 70% s'entassent dans les villes
45% desquels dans une seule de ses 23 provinces Buenos Aires
Où sont concentrés 60% de l'industrie
et le grand prolétariat.
Dans la capitale la population dépasse
les 24 milliers d'habitants au km2.
En Patagonie, en revanche, elle atteint à peine 0.2% au km2.
L'Argentine, de par sa structure socio-économique,
se différencie du reste du continent, elle apparaît comme la plus industrialisée.
Avec la population rurale la plus faible, Le taux de la classe moyenne
et le niveau de vie parmi les plus élevés.
Une classe ouvrière syndicalement organisée.
Une intelligentsia nombreuse et brillante
mais qui est la moins latino-américaine du continent.
Pays fréquemment rebaptiséé <<Pays Estancia>>>>
<<Pays Hacienda>>>> <<Grenier du monde>>,
pour l'oligarchie, la résultante de l'or anglaiss
la main-d'œuvre italiennee la culture françaisee
LA VlOLENCE QUOTlDlENNE
LA VlOLENCE EXERCÉE SUR LES PEUPLES LATlNO-AMÉRlCAlNS
CONSTANTE, MlNUTlEUSE, SYSTÉMATlQUE
Je n'ai pas manqué un seul jour, pas même le dimanche.
Maintenant, il n'y a pas de travail.
Beaucoup d'usines ont ferméé
Le gouvernement a demandé à la police d'encercler l'édificee
Quand ils ont su que j'avais été déléguéé
UNE VlOLENCE QUOTlDlENNE
Pour dominer l'homme il n'est besoin ni de Napalm, ni des gax toxiques.
LES PRESSlONS ÉCONOMlQUES, POLlTlQUES, CULTURELLES
SONT AUSSl EFFlCACES QUE DES ARMES DE GUERRE
Bien sûr, j'ai peur de perdre ma place.
Je pense à ma famille, comment ferais-je.
LA VlOLENCE NÉO-COLONlALlSTE PAS BESOlN DE SE RÉALlSER
lL LUl SUFFlT D'EXlSTER EN PUlSSANCE
NOTRE GUERRE EST LA PAlX, L' ORDRE, NORMALlTÉ DU SYSTÈME
75% des travailleurs n'arrivent pas, avec ce qu'ils gagnent.
Le pouvoir d'achat du salaire au cours des dernières années
a diminué de 40% .
L'horaire de travail des secteurs en activité
a atteint les onxe heures quotidiennes.
Notre pays possède 1 million de travailleurs ruraux
dont la moitié est occupée de façon permanente.
Amérique Latine sur une superficie de 20 millions de km2
on ne travaille que 6% des terres cultivables
Les latifundias 50% des terres,
sont l'apanage de 1 .5% de propriétaires,
alors que 80% de la population manque de terre.
Les 90% de la population rurale vivent dans des baraques et des cabanes
qui n'ont pas changé depuis l'ère précolombienne
ll y manque l'électricité, l'eau potable, les installations sanitaires.
lci sont les foyers de la dénutrition, des maladies endémiques.
En Argentine: 900 mille enfants abandonnés.
Dans les xones de l'intérieur, sur 100 enfants, 70 sont illégitimes,
sur 10 enfants nés viables, il en meurt 4.
Au Brésil: 43% de la population enfantine meurt de faim,
300 mille par an.
ll meurt par dénutrition plus d'enfants qu'il n'en meurt à Hiroshima et à Nagasaki.
40% de la population urbaine
vit dans une totale promiscuité.
A Buenos Aires et aux alentours,
800 mille personnes vivent dans des logements insalubres.
45 millions de latino-américains se résignent à la misère,
dans les <<villas miserias>>, les <<callampas>>, les <<favelas>>>>
En Argentinee 1 million de syphilitiques,
1 million et demi de tuberculeux,
2 millions de citoyens affligés du <<mal de chagas>>.
En Amérique Latine, le travailleur gagne en moyenne
20 fois moins que ce que touchent les classes élevées.
Pour 1 10 millions d'habitants la moitié de la population
le gain brut n'atteint pas les 120 dollars annuels,
10 dollars par mois, -30 cents parjours.
Au ruthme actuel de développement, le citoyen argentin
doit attendre encore 70 ans pour atteindre le revenu annuel
d'un français aujourd'huii
et 200 ans por être de pair avec le travailler des Êtats-Unis
Haut dans le ciel
Un aigle guerrier
audacieusement s'élève
en un vol triomphal
Une aile bleue
Couleur de mer
L'autre aile bleue
couleur de ciel
Planant très haut
radieuse aurore
flèche pointée
à la ressemblance du visage d'or
et formant sillon au cou purpurin
L'aile est patio
L'aigle est drapeau
C'est le drapeau
de ma patrie
née du soleil
que Dieu me donna
LA ClTÉ PORTUAlRE
Buenos Aires: épicentre de la politique néocoloniale,
Ville blanche dans une Amérique métisse
qui s'est développée aux dépens du pays tout entier.
7 millions d'habitants. 1 million d'étrangers.
La plus grande ville de l'Amérique Latine.
La cinquième ville du monde.
Buenos Aires: ville appendice des grandes métropoles.
lci un <<gaucho>> est aussi exotique qu'à Paris.
Ville de fonctionnaires, de professions libéraless
d'intendants des intérêts néocoloniaux,
<<capatax>> de colons.
Berceau de la vaste classe moyenne qui, dans le passé
manœuvrée et protégée par l'oligarchiee
se débat aujourd'hui, comme jamais dans l'histoire.
La petite bourgeoisie: elle pleurniche sur un monde bouleversé.
Pour elle, le pays est intolérable, Oui, mais immuable aussi.
Elle estime le changement nécessaire, mais cependant impossible.
Jalouse de son propre <<statut>> et de son prestige.
Oui, mais anxieuse
des derniers impératifs de la mode européenne.
Comblée par les discours édifiants, par les psychanalystes,
par les <<shows>> de la télévision.
Buenos Aires: une ville qui tourne de dos au pays,
sur l'immense Rio de la Plata.
lci les statues inspirent plus de méfiance que de respect.
Siège du gouvernement, de la curie,
des agences d'informations, du commandement suprême de l'arméee
et de 80% des bandes de délinquants.
lci est concentrée la vie intellectuelle.
On a élevé des monuments à celui qui disait:
<<Ces provinces désirent appartenir à l'Angleterre,>>
<<obéir à ses lois, se soumettre à son gouvernement,>>
<<vivre sous son influence puissante>> Carlos Maria de Alvear
L'OLlGARCHlE
2 millions 500 mille, 2 millions 50 millee
Champion réservé, de deux ans
Qualité supérieure, expression remarquablee
très mâle, puissant, vigoureux, costaudd
ll a toutes les qualités de l'élevage de San Juan
Un taureau qui relève d'une conception moderne.
ll est en vente ici le champion réservé de deux ans de Pereira.
Nous avons déjà une offre de 2 millions de pesos
Société agraire argentine
Centre traditionnel de notre Oligarchie
Les voilà ces 50 familles de Buenos Aires
qui se sont appropriées 4 millions d'hectares de terre
Une famille, la Braun Menendex Behety, en détient 6 millions.
Aux 2% des éleveurs de bétail, appartiennent 40% des bovins
5% à peine de la population active,
s'adjuge chaque année 42% du revenu national.
Les maîtres du pays!
Hier agrippés à la monoculture et au capital anglais,
aujourd'hui associés à la grande bourgeoisie industrielle
et au capital américain
35 millions d'hectares
aux mains de sociétés anonymes étrangères.
Nos ancêtres ont édifié la grandeur de ce pays.
En outre, tenex, notre aristocratie ressemble fort à l'aristocratie européenne.
Je me souviens, un jour, à Londres, chex Lord Griffordd
nous parlions de notre aristocratiee
et il la comparait à l'aristocratie polonaise.
Prenex le cas d'une des filles Carcanoo
celle qui épousa Lord Astor.
Et l'autre aussi, la fille des Unxuè, Juanita Diaxx
une enfant trouvée qu'ils avaient adoptée, et qui épousa le Duc de Luin.
Nous ne disposons pas d'argent.
Aujourd'hui nous valons moins que n'importe
quel industriel qui vend des poêles.
Et pourtant nous avons vécu en prenant du matéé
avec le bois <<d'ospinillo>> ou de <<tala>>.
ll fut un temps où nous avions des militaires.
Je tiens à vous faire remarquer que le Général Mitre traduisait Dantee
écrivait de la poésie, et que c'était un journaliste fameux
qui fonda le journal <<La Nation>>.
Le Général Rocca, lui aussi, c'était un érudit
Et le Général Agustin P. Justo dont bien peu se souviennentt
possédait la meilleure bibliothèque d'histoire argentine de tout le pays.
Mais ceux d'aujourd'hui que savent-ils?
ll y a encore deux ans, on allait à Punta del Este. Mais maintenant?
L'année dernière c'était déjà intenable. Des parvenus dans tous les coins!
Moi, je vivrais volontiers aux États-Unis
Quand on a envie de sortir il y a des tas d'endroits où allerr
par exemple se promener DANS Pariss
parce qu'enfin Paris c'est les français qui l'ont fait.
Connaître Klee rapidement et au moins trois titres de Millerr
Et Saint-John Persee Et Antonin Artaudd
Et l'art abstrait, l'art concret, le Pop, l'Opp
Tiens, maman, elle n'est pas croyable.
Elle engage de ces paysannes mal dégrossiess
la dernière, elle lui donne un superbe matelas.
L'autre, au bout de deux jours, y fout le feu!
J'ai idée que nos messieurs du gouvernementt
ont toutes les intentions de mettre les choses en ordre.
Un ordre, bien sûr, favorable au peuple
Toutes ces années, La Confédération Générale du Travail
a promis au peuple des tas de choses et a entassé de l'argent.
C'est une entreprise avec laquelle il faut compter.
C'est vraiment une banque très puissante.
Mais que fait-elle de tout cet argent? Rien!
Les délégués syndicaux, faut les voir, en bagnole et en chemise de soiee
les croiser dans la rue dans cet accoutrementt
Vous n'allex pas me comparer ça
avec un garçon de bonne famillee
élevé dans un collège comme par exemple le <<Saint George>>
et qui fréquente un milieuu humain, un milieuu
éthique, voilà le terme exactt <<éthique>>.
ll grandit avec une conception chrétiennee
et de la famille et de la société.
Vous n'allex tout de même pas le comparer à ces individus.
Ces individus qui sont parfaitement incultes. Pour ne pas dire analphabètes.
En Général, ou ils doivent apprendre à écriree
ou ils se font écrire leurs discours.
lls se sentent étrangers dans leur patrie.
lls évoquent leurs années dorées.
Les voilà...Hier, ils se targuaient de leur ascendance espagnolee
aujourd'hui de leurs attaches avec l'Europe et les États-Unis
Les voilàà Sous couleur de libéralisme
ils ont exterminé la population indigène,
ils ont ensanglanté tant de fois le pays.
Les voilàà Fauteurs de la violence que le peuple subit quotidiennement.
Fauteurs de la frustration de plusieurs générations d'Argentine.
Et voici leur cimetière.
Cristalliser l'histoire.
Arrêter le temps.
Assumer le passé comme perspective d'avenir.
Tel est le rêve suprême de l'oligarchie.
LE SYSTÈME
Le Vietnam, il lui suffit de lever la tête
pour découvrir l'ennemi.
Pour nous, cela est infiniment plus difficile.
Le néocolonialisme s'exprime dans notre propre langue.
A notre couleur de peauu notre nationalitéé
notre religion.
Sans une armée d'occupation coloniale,
l'identification de l'ennemi est une tâche ardue.
Travesti en Argentin, il lui est d'autant plus facile d'agir,
de manœuvrer en tous sens.
ll n'y aurait pas de politique néocolonialiste, si celle-ci n'était
rendue possible par des facteurs intrinsèques au pays.
Dans notre pays ces facteurs, aujourd'hui,
s'appellent oligarchie latifundiste et grande bourgeoisie industrielle.
Les forces armées coordonnent
et ajustent cette politique.
Les intérêts de tous ces gens convergent sous une même
étiquette: le système.
Le systèmee
Un ennemi intérieur qui ouvre les portes du pays
à la pénétration néocolonialiste.
Des missions de courtoisie se répandent dans toutes les villes.
Les <<Peace corps>>, s'infiltrent dans les campagnes.
Des missionnaires de toutes religions
pullulent dans les endroits les plus reculés de chaque région.
On distribue des bourses d'études, des prêts des subsides aux universités,
aux syndicats universitaires.
Un objectif commun canalise cette infiltration:
corrompre la conscience nationale.
Faciliter la domination du pays.
...pour le respect inconditionnel de la promesse
faite à nos alliés,
pour le maintien de notre puissance militaire
inégalée au service de la stabilité du dollar,
pour étendre notre commerce extérieur,
promouvoir nos programmes d'entraide et de collaboration
en Asie et en Afrique, et pour renforcer notre
alliance en faveur du progrès dans cette hémisphère.
LA VlOLENCE POLlTlQUE
Les Latino-américains ne sauraient changer leur destin
au moyen des institutions démocratico-bourgeoises.
Sur 20 gouvernements, 1 7 ont procédé d'élections frauduleuses
ou de coups d'État.
Depuis 12 ans, le peuple argentin vit politiquement en proscrit.
Son parti majoritaire, Péroniste, a été mis hors la loi.
Son leader, condamné à l'exil.
L'objectif que l'homme latino-américain Poursuit, à travers
son combat de libération, est la récupération de son humanité,
cette humanité que le néocolonialisme, perpétuellement, lui dénie.
LE NÉO-RAClSME
L'homme d'un pays dépendant sera toujours pour les nations dominantes
un ségrégéé un sous-développéé
un sous-homme.
L'exploitation d'un pays colonisé
implique des formes directes de racisme.
Dans les pays dépendants, néo-colonisés,
les formes de discrimination sont plus voilées,
mais tout aussi efficaces.
L'oligarchie argentine n'hésita pas, à maintes reprises,
à les mettre en pratique au cours de l'histoire.
En vertu de la formule de Sarmiento: <<Civilisation ou barbarie>>
la première forme nationale de résistance fut écrasée,
ce fut le massacre de la <<montonera>>.
Suivi de l'imposition d'une civilisation anti-nationale et colonisatrice.
Hier <<gauchos>> ou <<montoneros>>,
<<banlieusard>> ou <<plèbe>>.
Aujourd'hui <<Va-nu-pied>>
ou <<gros-lard>>.
En définitive,
on a toujours voulu dénier au peuple sa dignité humaine.
Dans certaines xones rurales du pays,
le raciste se passera carrément des bonnes manières,
qu'il affiche dans les villes, et apparaîtra sous son véritable visage.
ll disait: <<L'lndien ne vaut rien>>>>
Mais ce n'est pas vrai, nous sommes du même sang.
Mais nous parlons un autre idiome.
C'est pour ça que vous me voyex nu.
Nous, les indiens, autrefoiss
on ne s'occupait pas de nous.
Et nous n'avions aucune aidee
jusqu'à ce jour.
Avant nous errions comme des chienss
cherchant de quoi vivre.
Ou bien, on prenait une boîte de conserve vide et on allait pêcher le long du fleuve
C'était ça notre vie.
Nous n'avions aucune aidee
parce que l'lndien ne valait rien.
C'était le chrétien qui valait quelque chose
Maintenant ils nous considèrent comme frèress
parce que la religion le leur enseigne.
lls pensaient en avoir fini avec nouss
et que l'lndien ne valait rien.
Comme ça sans raisonn
car nous avons le même sang qu'eux.
Mais le colonisateur admettra-t-il jamais
que le sang du colonisé est le même que le sien?
lci, dans une vaste xone de pays,
il n'est point d'homme, de femme, d'individu.
ll n'y a que le survivant des vieilles tribus indiennes,
le <<matuco>>, le <<coya>>, le <<chulupie>>>>
De termes qui, dans la bouche du maître, dénient à l'exploité sa condition d'homme.
80% de la population indigène argentine
est tuberculeuse et syphilitique.
Restent des hommes qui se dérobent devant l'objectif
pour éviter le <<créole>> ou le blanc.
lnfériorisés, mais non convaincus de leur infériorité.
Hommes qui parlent à peine, qui chantent à peine.
LA DÉPENDENCE
CEUX QUl VlVENT SUR CETTE TERRE DlSENT QU'À L'lNTÉRlEUR
lL Y A DES MONTAGNES D'OÙ L'ON EXTRAlT DE L'OR À L'lNFlNl
Ce qui caractérise les pays latino-américains, c'est leur dépendance.
Dépendance économique, dépendance politique, dépendance culturelle:
Jadis l'Espagne, puis l'Angleterre.
Aujourd'hui les États-Unis L'histoire de nos pays
est l'histoire d'un interminable pillage colonial.
Sans indépendance économique, il n'est pas d'indépendance politique.
José Marti disait:
<<Un peuple qui se veut libre doit l'être d'abord en affaires>>.
<<La dépendance ne permet aucun développement d'aucune sorte>>.
Le développement apparent de certaines villes, comme Buenos Aires, ne traduit
que l'expansion croissante des grandes puissances à l'intérieur de notre économie.
Hier Mitre, Pellegrini, Pinedoo
Aujourd'hui Prebisch, Frigerio, Alsogaray.
Prêts, investissements, ont toujours servi
une même politique d'assujettissement.
La soi-disant aide impérialiste
est une aide qui coûte toujours plus cher
à qui la reçoit qu'à qui la donne.
En Amérique Latine, pour chaque dollar investi,
l'impérialisme en prend quatre.
Or et café, viande et pétrole,
blé et étain,
travail d'un peuple converti en main-d'œuvre à bas prix.
On construit la richesse des grandes puissances.
Cette exploitation est la cause du retardement,
de la misère, de l'oppression,
Lesquels, à leur tour, garantissent le financement
et le niveau de vie élevé des nations développées.
C'est de cette exploitation que naît l'obscur vocable forgé par l'impérialisme.
Sous-développement
Chaque jour nous exportons davantage et nous recevons la même chose
Chaque jour nous travaillons davantage et nous gagnons la même chose
La dette extérieure de l'argentine est de 6 milliards de dollars
Monopoles étrangers et leurs alliés locaux
contrôlent toute l'économie nationale
Toute l'industrie de la viande, l'énergie, le pétrole,
le commerce de céréales, l'industrie chimique, la production de cellulose,
70% du tungstène, 92% du plomb, 98% du xinc
souffre, argent, or
ainsi que les agences de presse et l'ensemble des mass média.
LA VlOLENCE CULTURELLE
La plus grande partie de la population du Brésill
de la Bolivie, du Pérou, du Venexuela,
du Guatemala, du Nicaragua,
du Salvador, du Honduras,
de Haïti, de la République Dominicaine, est analphatbète.
70 millions de personnes. Un tiers de la population latino-américaine
ne sait ni lire ni écrire
Analphabétisme et colonisation pédagogiques.
Dans un pays ouvertement Colonisé,
la pénétration pédagogique va de soi.
Mais dans un pays semi-colonisé,
la pénétration idéologique a un rôle de premier plan.
Elle sert à détruire dans le peuple l'idée de nation,
à élever au rang d'institution, à faire passer pour normale, la dépendance.
Le principal objectif de la pénétration idéologique est que le peuple
n'arrive pas à la prise de conscience, ne comprenne pas sa situation
de néo-colonisé, et n'aspire pas à la changer.
Sous cette forme, la colonisation pédagogique
substitue avec efficacité la police coloniale.
Les couches sociales moyennes de la population
sont les dépositaires de l'idéologie néo-colonialiste.
L'université est l'instrument principal de cette colonisation.
Derrière le mythe de l'autonomie universitaire,
on a fait croire à des générations d'étudiants et d'intellectuels
que l'université était un îlot de démocratie dans un pays opprimé.
L'université
est un organe du pouvoir politique opérant,
destiné à former des consciences, adaptées au système.
Derrière la face de la liberté d'enseignement,
se cachent les idéologies qui légalisent la dépendance
philosophique de la monoculture, libéralisme, libre échangee
développement néo- colonialiste, technocratie.
La pensée authentiquement nationale
fut censurée ou réduite au silence.
C'est ainsi que fut formée une classe intellectuelle
détachée du peuple et étrangère à la réalité du pays.
Et maintenant pénétrons dans les salons <<Pepsi-Cola>>.
Voici Manuel Mujica Lainex,
membre de l'Académie Argentine de Littératuree
de l'Académie Nationale des Beaux-Arts il présente son dernier livre:
<<Chroniques royales>>
Mujica Lainex s'est vu attribuer récemment le prix <<Kennedy>>
et avant cela, le prix National de Littératuree
le prix Municipal, le prix Gerchunoff,
le prix du Pen Club
et le pirx de la Société des Écrivainss
la plus haute récompense du Landerneau Nationall
la médaille d'or du gouvernement ltalienn
la décoration française aux écrivains
et un tas d'autres prix genre <<Gerchunoff>> dontje ne me rappelle plus.
Vous avex été influencé par la culture européenne?
Oui, très fortement. Je suis un homme de formation européenne.
Étant enfant, j'ai reçu une formation classique.
A telle enseigne que j'ai fait des traductions
impensables sans une telle formation.
ll ne s'agit pas seulement de savoir l'anglaiss
mais de posséder le sens élixabethain.
Où aimeriex-vous vivre? -A Venise, toujours,
jusqu'à ma mort. Je voudrais y passer ma vie.
Comment voyex-vous la situation ici? -lci, tout est compliqué.
Là-bas tout est plus facile.
Tous ces jeunes, dès qu'ils ont des vacancess
ils prennent le train et ils s'en vont
à Venise, à Vienne, à Madrid, à Pariss
Bref, où ça leur chante. C'est qu'ils sont si près de tout!
Et nous, si loinn et en sens contraire!
La pensée de Mujica Lainex est entièrement partagée
par une intelligentsia soumise au pouvoir néocolonialiste.
Une élite qui traduit en espagnol.
L'idéologie des pays oppresseurs résonne pour les intellectuels petit-bourgeois.
Une élite hybride, Dépersonnalisée,
qui se retranche toujours derrière quelque chose, l'apolitisme ou l'objectivismee
l'indifférence ou l'intelligence.
Les modèles
Rien de plus logique parmi nous qu'un humaniste raciste
l'européen n'étant devenu homme
qu'en fabriquant des esclaves, des monstres
ne payons pas notre tribut à l'europe
en créant des institutions, des sociétés qui s'inspirent d'elle
l'humanité attend de nous mieux que cette imitation
caricaturale et obscène
dès qu'il apprend à lire,
l'enfant d'un pays dépendant
est agressé par tous les modèles d'une civilisation
qui lui est imposée comme unique valeur universelle.
En s'universalisant en tant que classe et système
la bourgeoisie et l'impérialisme
universalisèrent la culture qui facilita leur domination.
Derrière le mythe d'une culture universelle
ils cachèrent en Amérique Latine leurs intérêts de classe colonialiste.
Hegel disaitt
<<Le mieux que puisse faire un enfant avec ses jouets c'est de les casser>>.
Mais briser ces valeurs, auxquelles on a appris
à croire dès l'enfance, n'est pas une tâche aisée.
Pour s'imposer, le néocolonialisme a
besoin de convaincre le peuple de son infériorité.
Tôt ou tard l'homme inférieur
reconnaît l'homme avec un <<H>> majuscule.
Et cette reconnaissance signifie la destruction de ses défenses.
Si tu veux être vraiment un homme,
dit l'oppresseurr
tu dois me ressembler, adopter mon langage,
renier ton essence, t'aliéner en moi.
L'homme néo-colonisé, l'intellectuel, l'artiste
ne valent que par la métropole.
Le paternalisme de la culture européenne
dissimulait le racisme profond des puissances colonisatrices.
Dès le XVllème siècle, les missionnaires jésuites célébraient
l'extraordinaire habileté du natif à copier les œuvres d'art européennes.
Copiste, traducteur, interprètee
au maximum, spectateur,
l'homme néo-colonisé sera porté à ne pas se servir
de ses propres facultés créatrices.
Loin d'assimiler et de transformer
les autres cultures pour construire la sienne propre,
il renonce à ses facultés de recherche et d'invention.
C'est ainsi que s'épanouissent l'inhibition,
le déracinement, l'évasion, le cosmopolitisme culturel,
l'imitation artistique, le reniement.
Toujours le modèle d'un homme universel,
aux valeurs universelles, à la culture universelle,
au détriment des valeurs historiques
et de classes.
La culture deviendra un fait universel au service de tous les hommes
quand nous aurons détruit au niveau universel
l'impérialisme et la société de classes quand nous aurons universalisé
La complète libération de l'homme
Le Christ touchait les maladess
les yeux opaques des aveugles et ceux-ci voyaient.
ll touchait les oreilles des sourds et ceux-ci entendaient.
ll posait les mains sur les infirmess
et les paralytiques se mettaient à marcher.
Les morts ressuscitaient.
Bonnes gens de Jérusalem
déclouex délicatement ces deux mains blanches
omnipotentes, miséricordieusess
Dans ce monde aux mille découvertes continuex à vous comporter
comme Véronique
qui savait comprendre toute la peinee
de l'humanité!
Je vois que monsieur a une bague au doigtt
Une bague de métall
Et la cravate? Elle est verte.
il y a des questions qu'on ne peut pas poser en publicc
et des réponses qu'on ne peut pas donner en public.
La Doctoresse Diana offre 10 consultations
Vous pouvex interroger gratis la Doctoresse.
Quiconque a des problèmes financiers, sentimentaux, physiologiquess
Si vous n'avex pas d'argent, qu'à cela ne tienne.
Du moment que vous avex
la foi et l'espérance.
Je vois que ce monsieur a pris le 7 de pique.
Le 7 de pique signifie santé chancelante, dépressionn
Tout ce qu'il a à faire c'est me consulter en privé.
<<Soledad! J'ai arraché des aveux à Pepito>>.
<<Maintenant, je contacte la police, mon innocence sera reconnue>>.
<<Maman! Finalement la série noire s'achève pour moi!>>
Prêtres, devins, thaumaturges, sorcierss
astrologues, professeurs de moralee
Entre le système et le peuple,
s'interposent toutes sortes de faux guides.
La violence néo-colonialiste se dissimule ainsi sous des formes sublimées.
Dieu, la Fatalité, Le Destin,
l'immoralité apparaissent comme les responsables
d'une situation créée, en fait, par les classes dominantes.
LA GUERRE lDÉOLOGlQUE
En Amérique Latine la guerre se déroule
avant tout dans l'esprit de l'homme.
Les frontières idéologiques remplacent les frontières conventionnelles.
Les moyens de diffusion de masse remplacent les armes de guerre.
Pour le néocolonialisme, les <<mass communications>>
sont plus efficaces que le napalm.
Une armée de psychologues, de sociologuess
d'analystes de motivations s'emploient
à affronter et à morceler les organisations syndicales
politiques et estudiantines.
Les associations populaires sont étouffées ou diffamées.
Leurs promoteurs calomniés.
Films, revues, radio, magaxines
s'acharnent à dépolitiser le peuple,
à diffuser le scepticisme, le goût de l'évasion.
On entretient préjugés, complexes, pour indigène.
On enseigne à penser en anglais.
TOUS LES MOYENS DE DlFFUSlON
SONT CONTRÒLÉS PAR LA C.l.A.
CENSURE ET RÉPRESSlON lDÉOLOGlQUE SÉVlSSENT
LA RÉALlTÉ,
LA VÉRlTÉ,
LA RAlSON
SONT,
COMME LE PEUPLE
EN MARGE DE LA LOl
ARTlSTES, lNTELLECTUELS S'lNTÈGRENT
LA VlOLENCE,
LE CRlME,
LA DESTRUCTlON
DEVlENNENT
LA PAlX,
L'ORDRE
LA NORMALlTÉ
Je suis un homme de formation européenne
universels, cosmiquess
nous ne sommes pas citoyens d'un pays, mais du mondee
humilité, paix, amourr
Le 7 de pique signifie santé chancelantee
Éthique, voilàà la parole exacte: <<éthique>>!
L'art abstrait, le pop et le hop...
LA MONSTRUOSlTÉ DEVlENT BEAUTÉ
LE CHOlX
Les peuples latino-américains
sont des peuples damnés.
Le néo-colonialisme ne leur permet pas de choisir,
ni leur vie, ni leur mort.
Vie et mort sont déterminées par la violence quotidienne.
C'est cela notre guerre.
La faim, les maladies curables, la sénilité précocee
tuent en Amérique Latine 4 personnes par minute,
5.500 parjour, 2 millions chaque année.
C'est cela notre guerre!
Un génocide qui, en 15 ans,
a accumulé deux fois plus de morts
que la première guerre mondiale.
Quelle est l'unique possibilité qui reste aux Latino-américains?
Choisir par la rébellion, sa propre vie
et sa propre mort.
Pour qui meurt au combat pour la libération,
la mort n'est plus l'aboutissement final,
mais devient un acte de libération, une conquête.
L'homme qui choisit sa propre mort
a déjà choisi sa vie.
ll est déjà la vie et la libération elle-même totaless
Par son action révolutionnaire, le Latino-américain
récupère son existence.
Ainsi prend fin <<Néocolonialisme et violence>>, le premier volet du film
<<L'heure des brasiers>>. Deuxième partie, <<L'heure de la libération>>,
troisième partie <<Violence et libération>>,
autant de récits de la lutte du peuple argentin
durant les vingt années qui ont précédé 1967. �